Cameroun/Éducation : Entre bons points et insuffisances des programmes scolaires de l’éducation de base !

Cameroun/Éducation : Entre bons points et insuffisances des programmes scolaires de l’éducation de base !

Interview :

Elisabeth Nlepna, Enseignante et Promotrice du groupe scolaire Privé Laic Alpha . Un demi siècle d’expérience dans l’enseignement privé confessionnel fait l’autopsie des contenus éducatifs et l’implémentation des programmes scolaires dans l’enseignement maternel et primaire après l’euphorie des rentrées  scolaires. 

1- la rentrée scolaire 2022-2023 est lancée. Quel regard portez-vous sur le début de cette rentrée scolaire dans votre établissement ?

Cette rentrée scolaire est la meilleure depuis le début des années covid. En effet, depuis le début de la covid , les parents sont plongés dans une certaine instabilité financière ce qui impacte sur les engagements scolaires de leur progéniture. Au mois de Juillet j’ai exprimé plusieurs inquiétudes quant au bon début de la rentrée scolaire. Mais j’ai été agréablement surprise de l’engouement et la détermination des parents à souscrire à leur obligation vis à vis de l’éducation de leurs enfants. Mon école a pu atteindre le quota exigé un peu plus de 450 élèves. Il est vrai que tous ne se sont pas acquittés de leur devoir mais nous osons croire que cela ne saurait tarder. Les fournitures scolaires ne sont pas en reste, la majorité des élèves ont leurs fournitures au complet très bon signe pour ce début d’année scolaire. Tout ceci montre combien de fois les parents se sont bien préparés et je leur adresse mes vives félicitations. Côté encadrement, nous avons organisé durant 2 semaines des séminaires de renforcement des capacités en pédagogie pour les enseignants basés sur les curricula et la méthode de la gestion mentale.

2- fort de votre expérience qui approche le demi siècle quel regard jetez-vous sur le contenu et l’implémentation des programmes scolaires en Vigueur à l’éducation de base ?

Le constat est clair, certains enfants ont un niveau scolaire au rabais et ce problème n’est pas nouveau. Il date déjà. En clair il y a eu quelques incongruités lors de la création de la maternelle et certaines classes comme le cours préparatoire Spécial ainsi que la mise en place de la méthode globale. Dieu merci, car quoi qu’on fasse ou qu’on dise, l’État est très bien organisé et structuré. C’est ainsi qu’il est revenu sur la méthode syllabique. Ainsi donc, si dans toutes les écoles on mettait un accent particulier sur les enseignements de la Sil en insistant sur la l’apprentissage de la lecture aux jeunes apprenants, il n’y aurait pas ces déficits et manquements constatés. Les enfants ont beau avoir l’expression facile mais c’est à la SIL, à travers la lecture, l’écriture, la dictée et la copie que l’enfant structure son être. Et donc, ce phénomène n’est pas dû à la pauvreté des programmes mais à son implémentation et à son suivi. Ici c’est la pédagogie qu’il faut questionner dans les écoles. Les écoles privées poussent comme des champignons. Chose qui n’est pas mauvaise au vu de la demande mais il y a un gros souci dans le suivi pédagogique. Les services pédagogiques sont inexistants dans l’enseignement privé Laïc, alors que dans l’enseignement privé confessionnel ou encore dans le public ce service est dynamique. Certains dans le privé laïc, se réfèrent souvent à ces services pour un meilleur suivi, tant dans les évaluations que dans le suivi des enseignants. Pour la majorité de ces écoles, cela donne l’impression qu’elles sont des boutiques. En l’absence de pédagogie, elle devient un vulgaire commerce. En lisant la désignation des niveaux scolaires :
– SIL : Section d’Initiation au Langage
– Préparatoire et autres ;
On se rend bien compte que tout ceci renvoie à la pédagogie. Et donc il est urgent d’accentuer le contrôle de l’implémentation de la pédagogie dans l’enseignement privé laïc

3- l’État a publié la liste des manuels scolaires autorisés pour cette année mais certaines écoles privées continuent intégrer d’autres livres et les exiger aux parents est ce à dire que l’État s’est trompé ?

Le mot ” Etat” vient du verbe ” être ” celui qui impose et qui s’impose. C’est lui qui décide de quel livre doit être utilisé. Notre rôle est juste de les utiliser pour une meilleure implémentation des programmes scolaires édictés par l’État. Comme je l’ai dit plus haut concernant les programmes scolaires, les livres ne sauraient être le problème. Ils sont très bien élaborés surtout ceux issus des curricula. Le problème réside dans l’utilisation et l’usage du manuel au programme par le personnel enseignant, qui pour beaucoup ne prennent pas assez de temps pour lire et cerner la pertinence ainsi que l’innovation qu’apportent les nouveaux manuels scolaires. Ils se fondent seulement sur la critique contre le contenu qui serait pauvre selon eux. Pourtant ces nouveaux manuels scolaires ont ceci d’innovant que non seulement tous les thèmes abordés dans le précédent programme y sont intégrés mais il y a des innovations qui méritent d’être félicitées. Entre autre innovation, après chaque leçon, il y a une rubrique” intégration ” qui appelle l’enfant à assimiler sa leçon à travers des exercices pris dans la vie courante afin de mieux adapter les connaissances de l’apprenant à son environnement. Puis le ” Projet ” qui renvoie à un module pédagogique qui impose à l’enseignant de toujours faire de sa leçon un projet assorti de l’objectif de la restitution des connaissances transmises à l’apprenant par l’enseignant. Ce sont entre autre les innovations des nouveaux manuels scolaires. Ceci étant, certains critiquent la pauvreté de ces manuels en exercices, certes, mais l’enseignant dans la préparation de son cours peut élargir le champs d’exercices et d’exemples en sollicitant d’autres manuels.

4- en fin d’année dernière, le Ministre de l’éducation de base a sorti un arrêté limitant l’âge d’accès au Cm2 à 12 ans au moins : quelle appréciation faites-vous de cette démarche ?

Cette décision ne date pas d’aujourd’hui. Elle est appliquée depuis des lustres. Elle est contenu dans un livre appelé « Législation Scolaire » cette démarche du Ministre ne s’attarde pas seulement sur le CM2 mais sur la régulation des âges de tout le système scolaire maternelle et primaire ainsi qu’il suit :
– les enfants de 3 ans révolu à la petite section
– 4 ans moyenne section
– 5 ans grande section
– 6 ans à la Sil mais le législateur a autorisé le recrutement dans cette classe jusqu’à 8 ans. Ce qui laisse une marge de 2 ans pour les enfants de 6 ans au cas où ils ne sont pas réceptifs ceux de 7 ans, un an et ceux de huit ans n’ont aucune marge de redoubler et donc naturellement l’enfant doit arriver au Cm2 à l’âge de 12 ans au moins. Toute dispense d’âge sur cette démarche sera nocive pour la bonne évolution intellectuelle du jeune apprenant qui dans la plupart des cas ont un raisonnement approximatif.
Cette mesure est vraiment salvatrice tout ce que nous pouvons souhaiter c’est que cette arrêté ministériel soit appliqué à la lettre. Même s’il faut reconnaître que certains parents sont souvent tentés d’aller faire de faux actes de naissance pour arriver à leur fin oubliant que c’est l’avenir de leur progéniture qu’ils compromettent. En effet ceux ci se laissent souvent dérouter par l’expression facile de leur enfant de 4 ou de 5 ans mais à tort. L’âge psychologique de l’enfant ne lui permet pas de faire la SIL.

5- Quel message à l’endroit du corps enseignant, des parents et de votre tutelle en cette début d’année scolaire ?

Je peux formuler quelques doléances à l’endroit de la tutelle
– accentuer le suivi pédagogique dans les structures déconcentrés et décentralisées
– le séquençage mensuel de l’année scolaire pose le problème de consistance des évaluations. Il serait utile de revenir aux séquences de 6 semaines qui étaient plus appropriée en terme de contenu à évaluer.
– uniformiser les carnets de correspondance afin d’éviter que chacun fasse comme bon lui semble sans trop tenir compte des fondamentaux en la matière
– mettre sur pied un bureau pédagogique pour l’enseignement privé laïc

Pour ce qui est des parents
– leur demander d’éviter de changer d’établissement scolaire à leur progéniture car cela les déstabilise. Le législateur a prévu que tant qu’un élève en de telles circonstances n’a pas eu de certificat de radiation dans son précédent établissement, il ne saurait appartenir à un autre établissement.

Pour ce qui est des promoteurs :

Il est judicieux que ceux-ci tiennent compte du contexte conjoncturel actuel afin de soutenir les efforts des parents tout en les aidant et en les accompagnant dans l’encadrement de leur progéniture et parfois mettant des astuces en place pour les fidéliser. Certains parents sont parfois obligés de faire changer d’établissement à leur progéniture faute de moyen malgré la bonne volonté. Il peut parfois être utile de les aider avec des petites exonérations dans les moments difficiles. A Alpha on est parfois amené à supporter les frais de pension de 1 ou 2 enfants chez un parent qui en a quatre c’est aussi cela soutenir l’État dans l’éducation même des plus démunis.

NB : le Groupe scolaire Alpha est situé à Yaoundé 7 au quartier Oyom Abang non loin de la paroisse catholique Jesus le Bon Pasteur 

Propos Recueillis par Bertin Metsengue 

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