
France/ SOMDIAA : Dans l’ Étau !
Une enquête est en cours au Cameroun concernant la gestion des travailleurs de la SOSUCAM, filiale de SOMDIAA. Le 5 février 2024, l’eurodéputée française Marina Mesure a saisi la Commission Européenne pour dénoncer le mauvais traitement réservé aux employés de la SOSUCAM, ce qui a conduit à une émeute ayant fait un mort du côté des forces de l’ordre. Quelles conséquences peut-on attendre de cette prise de position ?
Marina Mesure, eurodéputée française de la “France Insoumise”, a interpellé le Commissaire européen au commerce et à la sécurité économique pour dénoncer la situation des travailleurs de SOSUCAM, une filiale de SOMDIAA, dont l’entreprise détient 74 % des parts. Cette situation, qui dure depuis plusieurs mois, a abouti à une émeute tragique, lors de laquelle un policier camerounais a perdu la vie. Dans sa lettre, bien que soulignant un bilan lourd, l’eurodéputée demande à la Commission Européenne de prendre ses responsabilités en vertu des Accords de Partenariat Économique (APE) entre l’UE et le Cameroun. Elle exige que des comptes soient rendus à SOMDIAA :
« En application de l’Accord de partenariat économique – APE – liant l’UE au Cameroun et en vertu des valeurs fondamentales de l’UE, notamment le respect des droits humains (article 2 du traité sur l’UE), la Commission doit impérativement veiller au respect des droits de l’Homme dans ses relations avec le Cameroun. Le fait que l’entreprise SOSUCAM appartienne à un groupe alimentaire dont le siège se trouve dans un pays membre de l’UE nécessite une attention particulière de vos services, conformément aux directives 2024/1760 sur le devoir des entreprises. »
En effet, les directives 2024/1760 de l’UE, en particulier leurs articles 1 et 5, imposent aux entreprises européennes de respecter les droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne le droit des travailleurs. Celles-ci doivent garantir une rémunération équitable et satisfaisante pour chaque employé, assurant ainsi à lui-même et à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, complétée, si nécessaire, par d’autres moyens de protection sociale. Cependant, SOSUCAM semble appliquer une grille salariale proche de celle d’une entreprise esclavagiste, dont la régularité soulève de nombreuses interrogations.
En outre, l’État camerounais a accordé un monopole de production à cette société pour l’approvisionnement en sucre sur le marché local. Mais cette structure semble incapable de satisfaire la demande, obligeant le pays à recourir à des importations qui pèsent lourdement sur les devises. Au premier semestre 2024, le Cameroun a importé 105 400 tonnes de sucre pour un montant de 42,8 milliards de FCFA. Cela survient après des négociations avec le top management de SOMDIAA au Cameroun. En mai 2018, la société avait déjà menacé de suspendre sa production si l’État ne mettait pas fin aux importations de sucre, malgré un déficit de production. Le gouvernement camerounais avait alors accédé à sa demande le 4 mai 2018.
Concernant le traitement des travailleurs camerounais, le ministre camerounais du Travail et de la Prévoyance Sociale, Grégoire Owona, a maintes fois affronté la direction de la société. Le 11 juin 2021, il avait adressé une demande d’explications après le licenciement abusif de 250 travailleurs pour « insuffisance professionnelle ». Cependant, il est apparu que la société cherchait principalement à réduire sa masse salariale, qui s’élevait déjà à 14 milliards de FCFA par an pour 8 000 employés directs et indirects. En octobre 2024, le ministre Owona a organisé un dialogue entre les travailleurs et la direction pour sécuriser les emplois des Camerounais de SOSUCAM. Mais au vu de la situation de plus en plus préoccupante, il devient urgent que le Cameroun revoie les clauses d’exclusivité de la production locale de sucre de SOMDIAA et fasse toute la lumière sur les circonstances de l’émeute qui a entraîné la tragique disparition du policier.
C’est donc le moment pour le patronat camerounais d’investir davantage dans ce secteur, ainsi que dans d’autres, afin de continuer à renforcer le contrôle des leviers économiques du pays par les industriels locaux. Il en va de l’avenir de l’économie camerounaise. Vivement !
Simon Metsengue