Interview  / Education : Elisabeth Nlepna «il n’est pas bon de courir  derrière le diplôme mais derrière le savoir»   

Interview / Education : Elisabeth Nlepna «il n’est pas bon de courir  derrière le diplôme mais derrière le savoir»   

 L’année scolaire 2022-2023 est arrivée à son terme. Une nouvelle année va commencer dans quelques semaines avec son lot de problème entre autres ; la question de la conjoncture difficile, la baisse du niveau scolaire chez les apprenants et la question des contenus dans les manuels scolaires. Explication d’une professionnelle de l’éducation sur le contexte qui a marqué l’année Scolaire 2022-2023 et celui de la nouvelle année scolaire. Mme Elisabeth Nlepna,  Enseignante et  promotrice du Centre d’Education et  d’Alphabétisation- Alpha Oyom abang- Yaoundé 7

 

  • Quel regard jetez-vous sur l’année scolaire 2022- 2023 qui vient de s’achever ?

L’année scolaire précédente a été très mouvementée. L’enseignement privé comme tous les secteurs d’activités  a connu des secousses dues au contexte sanitaire mondial marqué par la COVID 19 mais aussi la crise Russo-ukrainienne. Ces deux facteurs étouffent notre  l’économie impactant ainsi le pouvoir d’achat des parents. Cet état des choses s’est traduit par une affluence en début d’année mais avant la fin d’année  nous avons perdu 20% de nos effectifs. Les parents retiraient leurs enfants pour les ramener à la maison contre leur volonté mais parce qu’incapables de finir la modeste pension de leur progéniture. Beaucoup étaient en   larmes face à cette situation. Chez certains parents qui en avaient 3 ou 4 enfants nous fermions les yeux sur 1 cas  même si cela avait un impact sur la comptabilité et fonctionnement de notre  l’école. Nos engagements sur le plan salarial ont été soumis à rude épreuve face à cette situation.  Nos collaborateurs enseignants, se sont montrés  compréhensifs  et soucieux de l’avenir des apprenants.  Je profite de cette opportunité pour  les  féliciter et les remercier  pour leur sens du devoir. La secousse n’est pas terminée parce que cette situation est toujours présente. Nous avons espoir que cette année sera bonne sur ce plan. Sur le plan éducatif, l’année a été bien. Les résultats en témoignent. Nous avons eu 100% au CEP et notre cours moyen 2 s’est presque vidé pour le secondaire, pas d’accident et sans interruption qui ne soit pas légale donc nous pouvons conclure que   l’année scolaire 2022- 2023 a été un franc succès comme d’ailleurs c’est le cas depuis deux décennies à Alpha.

  • l’année a été « un franc succès »sur le plan éducatif  dite-vous. Pourtant l’opinion  se plaint du mauvais niveau des apprenants. Certains évoquent la promotion collective en vigueur Fort de votre plus d’un demi siècle d’expérience comment pouvez vous expliquer  ces récriminations ?

Les questions de niveau scolaire touchent prioritairement  la pédagogie qui est par définition l’art de transmettre le savoir et qui s’appuie sur une autre science qu’on appelle la psychologie qui nous aide à connaître l’apprenant pour mieux lui transmettre le savoir. Sans  prétendre être experte en pédagogie ou en psychologie,  et me fondant sur ma très longue  expérience dans l, enseignement je peux  dire que la promotion collective qui promeut l’avancement des apprenants par pallier et non forcement par niveau ne saurait être le problème. En somme, en se référant au séquençage des paliers éducatifs dans le primaire : – niveau 1 ; , Sil et Cp -niveau 2 ; CE1 et CE2-Niveau 3 ; CM1 et CM2 On voit très bien que  chaque élément du palier est complémentaire à l’autre. La promotion collective veut dire ici que  les enfants ne redoublent  pas le premier palier, ils le traversent ensemble mais si un apprenant n’a pas bien assimilé un palier il peut reprendre le palier supérieur du niveau mal appris avant d’aller au niveau suivant. Mais  certains parents ne sont pas toujours de cet avis. Ils préfèrent faire avancer les enfants dans cet état. A Alpha nous ne l’acceptons pas. Certains  sont  obligés de mettre leurs enfants ailleurs parfois en faisant fabriquer de faux bulletins. Il y a aussi d’autres qui  font passer l’examen du CEP au CM1 à leurs enfants. C’est le lieu pour moi d’attirer leur attention sur le fait que le CM1 ne saurait résumer à lui tout seul le niveau 3. Il y a des enseignements qui ne sont dispensés qu’au CM2 par exemple le volume ou encore établir les factures. Ces enseignements ne se dispensent pas au CM1. Voilà pourquoi l’Etat du Cameroun et l’UNESCO ont jugé bon que se soit seulement à la fin du CM2  qu’un apprenant doit avoir le CEP.  il n’est donc  pas bon de courir derrière le diplôme mais derrière le savoir (Savoir-faire et le savoir-être).

  • Qu’en est-il des contenus des Manuels Scolaires ?

Pour ce qui est des manuels scolaires au programme dans le primaire, ils apportent beaucoup d’innovations et sont  peu couteux mais  pauvres en exercices d’application et  trop coloriés. De plus certaines leçons importantes sont mises à la fin d’année au profit  d’autres qui en clair n’ont pas une importante capitale. Tenez par exemple, les leçons sur l’établissement des factures qui devraient normalement être parmi les premières leçons sont renvoyées à la fin. Alors même que ces  leçons peuvent aider ceux qui après le CEP vont se lancer dans la vie active. Pour nous les praticiens de la pédagogie nous pensons humblement que les leçons comme l’enseignement des figures complexes (cube, parallélépipèdes rectangle, le Losange ….) devraient être les dernières leçons du programme car pour ceux qui vont continuer, ils pourront les revoir de façon plus approfondie au secondaire.

Ce qui est fait à notre niveau pour ce qui est de la   carence en exercice d’applications par exemple pour ce qui est des mathématiques, nous avons sollicité certains ouvrages riches en exercice pour le personnel enseignant.  l’Etat a instruit un seul livre au programme les parents ont donc l’obligation de ne payer que celui-là maintenant nous enseignants , devons compléter ces enseignements avec nos recherches personnelles d’où ce travail qui a été fait à notre niveau pendant les mois de grandes vacances dans tous les domaines du programme scolaire primaire et maternelle.

 

  • quels sont vos propositions pour améliorer ces incongruités constatées ?

Il faut étoffer les enseignements dans les livres. Les Éditeurs disent que le livre devrait coûter 1000 F. c’est vrai vu la taille et la pauvreté du livre c’est vrai. Et donc c’est même le coloriage abusif qui les rend bien plus cher en imprimerie. Mais si l’on étoffe les enseignements dans les livres en réduisant le coloriage  cela va relever substantiellement le niveau scolaire des apprenants. Il y a quelques jours j’ai fait circuler une vidéo venant de la France sur la toile dans laquelle les français se plaignent aussi de cette baisse de niveau scolaire et un spécialiste accusait le même phénomène. Il disait qu’à leur époque le livre était volumineux et moins colorié car riche en enseignements mais maintenant c’est le contraire. Autre chose, pour les promoteurs des ENIEG, il serait souhaitable de ne pas pratiquer la promotion collective car cela se répercute sur le terrain. Le manque de niveau des Enseignants. Ici à Alpha, je suis obligé de financer des formations trimestrielles pour le personnel enseignant afin de palier à ce phénomène

 

5- la Décentralisation sur le plan éducatif se met progressivement en place. Que pouvez-vous émettre comme doléance à l’endroit de votre nouvelle tutelle administrative qui est la mairie ?

 

C’est salutaire le fait que  l’ordre gouvernant ait opté pour la décentralisation dans notre domaine,  cela permet plus de proximité même comme nous avons l’impression que l’exécutif communal est plus focalisé sur les établissements publics le privé restant un tout petit peu lésé j’espère que cela sera corrigé. Je voudrais émettre une doléance à l’endroit du Chef de l’Etat et à tous ceux de ses collaborateurs qui sont en charge de l’enseignement privé. Pour lui dire qu’il tienne compte que dans le privé, il y a deux catégories de promoteurs : ceux qui sont des praticiens de l’enseignement qui ayant un espace décident  d’aider l’Etat dans la formation des citoyens et d’autres qui ayant beaucoup d’argent décident   de faire du business tout en donnant de l’emploi aux enseignants formés mais au chômage. Cela peut se remarquer dans la variation de l’écolage. L’Etat devrait donc tenir compte de ces différentes catégories lors de l’attribution des subventions surtout en ce temps de morosité économique où plusieurs parents pauvres sont confrontés à des difficultés financières pour envoyer leurs enfants à l’école.

Propos recueillis par Simon Metsengue

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